mardi 26 juin 2012

L'usage sonore du monde


Je suis très heureux d'annoncer la publication de mon livre le 15 novembre aux éditions Le mot et le reste. Pour plus d'infos, voir ici et ci-dessous, le texte de présentation de la (future) quatrième de couverture : 

Le chant de l’oiseau-lyre d’Australie, les vents de Patagonie, les flûtes sacrées Aré’ aré des Îles Salomon, les vibrations des bâtiments de nos villes ou les louanges exaltées des pêcheurs de perles de Bahreïn ne sont que quelques exemples des innombrables sons et musiques abordés dans cet ouvrage consacré à la pratique du field recording, de l’enregistrement de terrain. Tout au long du xxe siècle, des hommes ont parcouru le monde afin de capter des curiosités sonores pour des raisons scientifiques, patrimoniales et esthétiques. Ce sont des audio-naturalistes, des collecteurs de musique traditionnelle, mais aussi des compositeurs avides de découvrir un nouveau matériau musical. Les microphones sont leurs outils, voire leurs instruments, l’écoute est leur méthode d’approche. En sortant du studio, ils prennent le risque de se confronter à l’imprévisible, à l’incontrôlable, au fragile parfois. Ils se nomment Alan Lomax, Chris Watson ou encore Luc Ferrari. Cent disques rendent ici compte de leur quête, toujours en cours, du « chant du monde ». Une riche introduction et trois interviews de figures majeures du field recording (Jean C. Roché, Bernard Lortat-Jacob et Peter Cusack) complètent cette anthologie.

lundi 25 juin 2012

Dans les rues









On écoute l’œuvre séminale et réjouissante de Tony Schwartz, preneur de son agoraphobe et infatigable collecteur d'histoires et de musiques des rues de New York. Plusieurs disques publiés chez Folkways dès les années 1950.

vendredi 22 juin 2012

La danse des possédés (33)


 


Encore aux études, une de nos congénères avait été surnommée Le Gouffre. Personne ne l'a plus jamais croisée. On en vient presque à penser que le vide a fini par aspirer jusqu'à sa pauvre enveloppe. Gare aux gens qui la rencontreraient, ce mal est contagieux et se propage vite. 

vendredi 8 juin 2012

Mnémotourisme (5)




Dans un passionnant entretien accordé à la revue Vacarme en 2002 (lisible ici), le grand historien italien Carlo Ginzburg discute notamment de la notion complexe de "distance" (voir notamment les neuf essais rassemblés dans le recueil A distance, Gallimard, 2001). Et à le lire (voir extrait ci-dessous), on se demande si le mnémotourisme aurait le cœur sec, et si oui, en quoi cela poserait un problème ?

"Cette tension entre la tentation de l’identification et la méfiance vis-à-vis de cette tentation, entre la compréhension et la distance, se retrouve dans ce dernier livre traduit en français, À Distance. D’un côté, vous plaidez pour la prise de distance ; de l’autre, vous mettez en garde contre une distance trop grande qui génère de l’indifférence.

Cette tension n’est jamais résolue complètement. Je peux prendre l’exemple du mandarin chinois, qui figure aussi dans À Distance. En 1994, Amnesty International m’a demandé de faire une conférence. Il se trouve que je ne suis pas militant, que je ne l’ai jamais été, qu’il y a quelque chose en moi qui se refuse à tout militantisme. C’est d’ailleurs un côté que je n’aime vraiment pas chez moi. À la même époque, mon ami Adriano Sofri était allé plusieurs fois à Sarajevo, en plein pendant son odyssée judiciaire. Moi, je n’avais rien fait, et je dois dire que j’en éprouvais un sentiment trouble de culpabilité. Je me suis rappelé l’histoire du mandarin chinois. Balzac reprend un cas de conscience formulé par Diderot et commenté par Chateaubriand : les devoirs moraux s’affaiblissent avec la distance ; Rastignac peut envisager de tuer un mandarin chinois par le seul fait de sa volonté, sans bouger de Paris, à condition bien sûr que le mandarin lui reste parfaitement inconnu.

Je me suis donc mis à réfléchir sur l’histoire et les variations de ce motif du mandarin chinois : comment l’éloignement affecte nos émotions, notre compassion, nos engagements ? Or l’éloignement peut-être aussi éloignement dans le temps : quelle compassion éprouvons-nous pour ceux dont nous sommes séparés par un grand intervalle de temps ? Diderot a posé la question d’une façon très percutante en en faisant un problème d’échelle : nous aurions moins de peine à tuer un homme s’il nous apparaissait à distance, grand comme une fourmi. Et puisque nous tuons des fourmis, pourquoi pas des hommes ? C’est une idée horrible et déplaisante, mais je crois qu’au fond, penser, c’est toujours penser des choses déplaisantes ; penser implique la possibilité de penser des choses qui nous blessent."

jeudi 7 juin 2012

Mnémotourisme (4)


En attendant d'aller déjeuner sur un kourgane, un petit voyage du côté des funérailles des rois scythes, telles qu'elles ont été décrites par Hérodote, ne nous fera pas de tort. 
Lorsqu'un roi mourait, le cadavre était éviscéré, rempli d'aromates et installé sur un chariot afin d'être promené dans toutes les contrées du royaume. Enfin, il était placé dans une fosse creusée dans le sol, mais pas seulement... Pour la suite, voici la description de l'historien grec, au 5e siècle avant Jésus Christ (Histoires IV, 71-72, traduction P.E. Legrand) :

"Dans l'espace laissé libre de la chambre, ils ensevelissent, après les avoir étranglés, une des concubines du roi, son échanson, un cuisinier, un palefrenier, un valet, un porteur de messages, des chevaux, une part choisie de toutes ses autres appartenances, et des coupes d'or (point du tout d'argent ni de cuivre) ; cela fait, tous travaillent à élever un grand tertre, rivalisant avec zèle pour qu'il soit le plus grand possible.
Au bout d'un an, ils accomplissent cette nouvelle cérémonie : ils prennent parmi les autres gens de la maison du roi les plus aptes à le bien servir (ce sont des Scythes de naissance ; sont domestiques du roi ceux à qui lui-même en donne l'ordre, les Scythes n'ont pas de domestiques achetés) ; ils étranglent donc une cinquantaine de ces serviteurs, et cinquante chevaux, les plus beaux : ils leur vident le ventre, le nettoient, le remplissent de paille et le recousent. Ils fixent à deux pieux la moitié d'une roue, tournée vers le bas, l'autre moitié de la roue à deux autres pieux, et plantent en terre quantité de pieux portant ainsi des demi-roues ; ils font passer ensuite à travers les chevaux, en long et jusqu'au cou, de grosses pièces de bois, et montent ces chevaux sur les roues ; celles de devant soutiennent leurs épaules, celles de derrière supportent le ventre auprès des cuisses ; les deux paires de pattes pendent sans toucher terre. Ils mettent aux chevaux des rênes et des mors, tirent les rênes en avant d'eux et les attachent à des piquets. Des cinquante jeunes gens qu'on a étranglés, chacun est monté sur son cheval, voici comment : on enfonce à travers chacun des corps, le long de l'épine dorsale, un morceau de bois vertical allant jusqu'au cou ; de ce morceau de bois, une pointe dépasse en bas ; on la fiche dans un trou que présente l'autre pièce de bois qui traverse le cheval. Après avoir dressé ce genre de cavaliers en cercle autour du tombeau, les Scythes se retirent."
 
Ci-dessus, un tissu décoré d'un guerrier scythe découvert dans une des tombes de Pazyryk, dans les montagnes de l'Altaï en Sibérie (conservé au Musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg).

mardi 5 juin 2012

La danse des possédés (31)



Ci-dessus, la structure préhistorique de Great Serpent Mound dans l'Ohio, soit la plus grande représentation de serpent au monde (411 mètres de long).