vendredi 26 juin 2009

...


.
Ce blog est mis en veilleuse durant deux semaines... A bientôt j'espère...
.

jeudi 25 juin 2009

Son du Grisli

Détail des Ambassadeurs d'Hans Holbein (1533, Londres, National Gallery).
.
Le Son du Grisli est un site de chroniques et d'interviews consacré essentiellement aux musiques expérimentales (improvisation, noise, free jazz...). Créée en octobre 2004, cette structure a longtemps été uniquement alimentée par son créateur Guillaume Belhomme (également rédacteur pour les Inrocks, Mouvement et ancien collaborateur Jazz Hot). Ce dernier a depuis peu constitué une équipe de rédaction regroupant des gens venant d'horizons divers, dont moi-même.
.
De ma plume, vous pouvez déjà lire sur ce site des textes sur Sleepthief d'Ingrid Laubrock (Intakt, 2008), Live at Dunois de Joëlle Léandre et William Parker (Leo, 2009) et nature/culture de Peter Evans (Psi, 2009). Et bientôt, d'autres choses, sans compter les chroniques des collègues... Régulièrement, je posterai ici un récapitulatif de ce que j'aurai écrit pour le Son du Grisli.
.
Pour information, Guillaume Belhomme a également publié trois ouvrages très intéressants aux éditions Le mot et le reste : Eric Dolphy, Morton Feldman/For benita Marcus et Giant Steps - Jazz en 100 figures. On peut lire une interview de lui sur le site Pinkushion.
.

mardi 23 juin 2009

150 révélations

Johannes Vermeer, La leçon de musique, vers 1662-64, 73.3 x 64.5 cm, Collection royale anglaise.
.
Cela fait quelque temps que j'avais envie de poster ici une liste de mes disques préférés. Il m'est très vite apparu qu'il serait difficile de limiter celle-ci. J'ai donc décidé de la porter au chiffre rond de 150. Tous ces albums, découverts il y a peu ou il y a déjà plusieurs années, ont eu une grande importance dans ma vie d'auditeur. Chacun, à sa façon, m'a ouvert les portes d'un nouvel univers musical ou a constitué l'accomplissement d'un cheminement dans un genre particulier. Cette liste ne se veut évidemment pas objective, genre "les 1111 disques qu'il faut avoir écouté...". J'avais juste cette curiosité de fixer mes goûts musicaux dans le temps afin, éventuellement, d'y revenir dans 5, 10, 15 ans (soyons confiant) et de voir ce qui aurait changé : les nouveaux venus, les rejetés, les détestés, les oubliés peut-être...
.
Pour les oeuvres dites classiques, j'ai donné la date de création et/ou d'édition et n'ai pas, pour me faciliter les choses, conseillé d'interprétation précise. Pour les compilations, j'ai privilégié les dates d'enregistrement aux dates d'édition du ou des CDs. Dans la mesure du possible, j'ai renseigné les labels correspondant aux premières sorties des disques.
.
. Dès le 10e siècle : différentes versions du Chant de la Sybille.
. 1360-65 : Guillaume de Machaut, Messe de Notre Dame.
. 15e siècle : Guillaume Dufay, Motets.
. 1717-1723 : Johann Sebastian Bach, Six suites pour violoncelle seul, BWV 1007-1012.
. 1723 : Marin Marais, Sonnerie de Sainte Geneviève du Mont de Paris.
. 1725 : Antonio Vivaldi, Quatre concertos pour violon, opus 8, nos. 1-4 «Les quatre saisons».
. 1820-22 : Ludwig von Beethoven, Sonate pour piano no 32 en ut mineur, opus 111.
. 1824 : Franz Schubert, Quatuor à cordes en ré mineur D. 810 « La jeune fille et la mort ».
. 1886-1914 : Erik Satie, Œuvres pour piano.
. 1897-39 : American Primitive I and II (Revenant).
. 1901-1912 : Leos Janacek, Œuvres pour piano.
. 1903-05 : Claude Debussy, La mer.
. 1908-1939 : Bela Bartok, Quatuors à cordes.
. 1910-52 : Victrola Favorites (Dust to Digital).
. 1925-47 : Rembetika : Songs of the Greek Underground (Trikont).
. 1928 : Maurice Ravel, Boléro.
. 1948-80 : OHM : The Early Gurus of Electronic Music (Ellipsis Arts).
. 1950-58 : Origins of Guitar Music in Southern Congo & Northern Zambia (Sharp Wood).
. 1953 : The Quintet, Jazz at Massey Hall (Debut).
. 1955-78 : Anthems in Eden. An Anthology of British and Irish Folk (Castle Music).
. 1956-59 : Olivier Messiaen, Catalogue d’oiseaux.
. 1959 : Ornette Coleman, The Shape of Jazz to come (Atlantic).
. 1960 : Max Roach, We insist! Max roach’s Freedom Now Suite (Candid).
. 1960-66 : Joe Meek, It’s hard to believe, the Amazing World of Joe Meek (Razor & Tie).
. 1960-1999 : Cambodian Cassette Archives : Khmer Folk and pop Music vol.1 (Sublime Frequencies).
. 1961-77 : Curtis Mayfield, The Anthology (MCA).
. 1962-1970 : Albert Ayler, Holy Ghost (Revenant).
. 1963 : Charlie Mingus, The Black Saint and the Sinner Lady (Impulse).
. 1964 : John Coltrane, A Love Supreme (Impulse!).
. 1964 : Skip James, Greatest of the Delta Blues Singers (Biograph).
. 1964 : Terry Riley, In C.
. 1964 : Tony Conrad, Four Violins (Table of the Elements).
. 1964 : Davy Graham, Folk, Blues and beyond (Fledg’ling).
. 1965-67 : Frank Wright, Complete ESP-Disk Recordings (ESP-Disk).
. 1966 : Amm, Ammusic (Elektra).
. 1966 : Bob Dylan, Bob Dylan Live 1966, The Royal Albert Hall Concert (Columbia).
. 1966 : Robbie Basho, Guitar Soli (Takoma).
. 1966-73 : Gabon : Musiques des Pygmées Bibayak – Chantres de l’épopée (Ocora).
. 1967 : Burundi : Musiques traditionnelles (Ocora).
. 1967 : The Velvet Underground and Nico, s/t (Verve).
. 1967 : György Ligeti, Atmosphères.
. 1967-68 : Colette Magny, Vietnam 67/Mai 68 (Scalen'Disc).
. 1968 : Nina Simone, The Great Show of Nina Simone. Live In Paris (Festival).
. 1968 : R.L. Burnside, First Recordings (Fat Possum).
. 1968-72 : Pentangle, Early Classics (Shanachie).
. 1969 : Lee Hazlewood, The Cowboy and the Lady (Smells Like).
. 1969 : Noah Howard, The Black Ark (Freedom).
. 1969 : Pharoah Sanders, Jewels of Thought (Impulse).
. 1969 : Anthony Braxton, For Alto (Delmark).
. 1969 : Shirley and Dolly Collins, Anthems in Eden (Harvest).
. 1969-75 : Ethiopiques 1 : L’âge d’or de la musique éthiopienne moderne (Buda Musique).
. 1970 : Art Ensemble of Chicago, With Fontella Bass (America).
. 1970 : Evan Parker, Topography of the Lungs (Incus).
. 1970 : Dave Burrell, After Love (America).
. 1971 : Hamza el Din, Escalay : The Water Wheel (Nonesuch).
. 1971 : Sly and the Family Stone, There’s a riot goin’on (Epic).
. 1971 : The African Mbira: Music of the Shona People of Rhodesia (Nonesuch).
. 1971 : Peter Brötzmann/Fred van Hove/Han Bennink/Albert Mangelsdorff, Couscous de la Mauresque (FMP).
. 1971-2002 : International Sad Hits 1 : Altaic Language Group (20/20/20).
. 1971-79 : Wadada Leo Smith, The Kabell Years (Tzadik).
. 1972 : Pandit Pran Nath, The Raga Cycle, Palace Theatre, 1972 (Sri Moonshine).
. 1972 : Miles Davis, On the Corner (Columbia).
. 1973 : Spirogyra, Bells, Boots and Shambles (Polydor).
. 1973 : Léo Ferré, Il n’y a plus rien (Barclay).
. 1973-76 : King Tubby, King Tubby’s Special 1973-1976 (Trojan).
. 1974 : Globe Unity Orchestra, Hamburg 74 (FMP).
. 1974 : Robert Wyatt, Rock Bottom (Virgin).
. 1974-80 : Joan la Barbara, Voice is the Original Instrument (Lovely Music).
. 1977 : Fela Kuti, Zombie (Celluloid).
. 1977 : Peter Brötzmann & Han Bennink, Schwarzwaldfahrt (FMP).
. 1977 : Julius Hemphill, Blue Boyé (Screwgun).
. 1977-92 : Arvo Pärt, Fratres.
. 1977-78 : Lol Coxhill, Coxhill on Ogun (Ogun).
. 1977-99 : Moondog, The German Years (Roof).
. 1978 : Evan Parker, Monoceros (Incus).
. 1979 : Ghedalia Tazartes, Diasporas (Alga Marghen).
. 1979 : William Parker, Through Acceptance of the Mystery Peace (Eremite).
. 1983-1995 : Chris Watson, Stepping into the dark (Touch).
. 1984-88 : Ali Farka Toure, Red/Green (Nonesuch).
. 1985 : Masayuki JoJo Takayanagi, Aaction Direct (Tiliqua).
. 1986 : Morton Feldman, For Bunita Marcus.
. 1986 : Sonic Youth, EVOL (Blast First).
. 1988 : Cecil Taylor/Han Bennink, Spots, Circles and Fantasy (FMP).
. 1988 : Steve Reich, Different Trains.
. 1990 : Inde du Sud : Anthologie de la musique classique (Ocora).
. 1990 : Sun City Girls, Torch of the Mystics (Majorca).
. 1993 : Phil Minton/Veryan Weston, Songs from a Prison Diary (Leo).
. 1993 : Wu-Tang Clan, Enter the Wu-Tang Clan (36 Chambers) (RCA).
. 1993-1995 : Basic Channel, s/t (Basic Channel).
. 1995 : Genius/Gza, Liquid Swords (Geffen).
. 1996 : Nurse with Wound, Who can I turn on stereo ? (United Dairies).
. 1996 : Diabologum, 3 (Lithium).
. 1996 : Silver Jews, The Natural Bridge (Drag City).
. 1996-2004 : Buring Star Core, Mes Soldats Stupides (Cenotaph Audio).
. 1997 : Jim O’Rourke, Bad Timing (Drag City).
. 1997 : Smog, Red Apple falls (Drag City).
. 1998 : Steve Lacy, Solo : Live at Unity Temple (Wobbly Rail).
. 1998 : Gas, Zauberberg (Mille Plateaux).
. 1998 : Kaffe Matthews, Cd Bea (Annette Works).
. 1998 : Pauline Oliveros, Ghostdance (Deep Listening).
. 1999 : Coil, Music to play in the dark 1 (Chalice).
. 2001 : Clouddead, Clouddead (Big Dada).
. 2001 : Munir Bashir, Dialogue between Oud et Rhythms (Voix de l’Orient).
. 2001 : Autechre, Confield (Warp).
. 2001 : Alejandra and Aeron, La Rioja (Lucky Kitchen).
. 2001 : Fennesz, Endless Summer (Mego).
. 2002 : Fenn O’Berg, The Return of Fenn O’Berg (Mego).
. 2002 : Missy Elliott, Under Construction (Elecktra).
. 2002 : Charlemagne Palestine/David Coulter/Jean-Marie Mathoul, Maximin (Young God).
. 2002 : Studio One Scorcher (Soul Jazz).
. 2003 : John Fahey, Red Cross (Revenant).
. 2003 : Cheval de frise, Fresque Sur Les Parois Secrètes Du Crâne (Ruminance).
. 2003 : The Books, The Lemon of pink (Tomlab).
. 2004 : Keiji Haino, Black Blues (Disques du soleil et de l’acier).
. 2004 : Akira Rabelais, Spellewauerynshe (Samadhisound).
. 2004 : Animal Collective, Sung Tongs (Fat Cat).
. 2004 : Boredoms, Seadrum/House of Sun (Warner).
. 2004 : The Necks, Mosquito/See through (RER).
. 2004 : The Roots, The Tipping Point (Geffen).
. 2004 : Georges Aperghis, Avis de tempête.
. 2005 : Pelt, Pelt (VHF).
. 2005 : Es, Sateenkaarisuudelma (Kraak).
. 2005 : Jack Rose, Kensington Blues (VHF).
. 2005 : Mazen Kerbaj, Brt Crt Zrt Krt (Al Maslakh).
. 2005 : Alexander von Schlippenbach, Monk’s Casino – The Complete Works of Thelonious Monk (Intakt).
. 2005 : Sunn O))), Black One (Southern Lord).
. 2005 : Sunroof!, Silver Bear Mist (VHF).
. 2005 : Electrelane, Axes (Too Pure).
. 2005 : Tape, Rideau (Häpna).
. 2006 : Paul Flaherty/Chris Corsano, The Beloved Music (Family Vineyard).
. 2006 : Ekkehard Ehlers, A Life without Fear (Staubgold).
. 2006 : Chris Watson/BJ Nilsen, Storm (Touch).
. 2006 : Joanna Newsom, Ys (Drag City).
. 2006 : Phill Niblock, Touch Three (Touch).
. 2006 : Musics in the Margin (Sub Rosa).
. 2006 : Peter Evans, More is More (Psi).
. 2006 : Burial, Burial (Hyperdub).
. 2006 : Volcano the Bear, Classic Erasmus Fusion (Beta-Lactam Ring).
. 2006 : Charlemagne Palestine/Tony Conrad, An Aural Symbiotic Mystery (Sub Rosa).
. 2006 : Ricardo Villalobos, Fischer Ziheuer (Playhouse).
. 2006 : Wolf Eyes/Anthony Braxton, Black Vomit (Victo).
. 2006 : Xasthur, Subliminal Genocide (Hydrahead).
. 2007 : Michael Flower/Chris Corsano, The Radiant Mirror (Textile).
. 2007 : Lasse Marhaug/Nils Henrik Asheim, Grand Mutation (Touch).
. 2007 : Kemialisset Ystävät, s/t (Fonal).
. 2007 : Keith Rowe, The Room (Erstwhile).
. 2007 : Talibam!, Ordination of the Globetrotting Conscripts (Azul Discografica).
. 2008 : James Ferraro, Marble Surf (New Age Tapes).
. 2008 : John Butcher, Resonant Spaces (Confront).
. 2008 : John Eckhardt, Xylobiont (Psi).
.

lundi 22 juin 2009

Cymbalisation et nappes sonores

Quelques cigales.
.
Dans le domaine foisonnant du field recording, le CD sobrement intitulé Field Recording (Little Enjoyer, 2007) de Dave Phillips aura été, pour moi, un des plus fascinants écoutés ces derniers temps. D'origine suisse, Dave Phillips gravite depuis les années 1980 dans les milieux noise et hardcore, utilisant principalement sa voix comme instrument de ses performances en solo ou dans les groupes Fear of God, Schimpfluch-Gruppe et Ohne. Il a sorti quantité d'albums, par exemple sur le label Tochnit Aleph.
.
Un premier voyage dans les forêts du Sud-Est asiatique en 1994 lui révèle la richesse des sons naturels de ces régions. L'année suivante, mais aussi en 2001 et 2004, il retourne à plusieurs reprises dans les parcs nationaux thaïlandais afin d'y collecter des ambiances dont témoigne le disque sorti en 2007. Par rapport à d'autres enregistrements de terrain réalisés en milieu sauvage, ce disque frappe par la densité des sons qui y sont présentés. Ces derniers, nous assurent les notes qui accompagnent le disque, n'ont pourtant fait l'objet d'aucune manipulation (pas d'effets, pas de mixage...). Cette particularité est due à la nature du chant et des cris des animaux enregistrés.
.
Les plus marquants sont des cigales dont le volume sonore est proprement ahurissant. Par moments, on doute que ce qui est entendu est bien issu de la nature et non des manipulations d'un artiste électronicien. Des sons aigus battant en rythme, s'additionnant, se répondant créent des strates vibrantes. S'y immerger évoque justement l'expérience d'écoute que peuvent procurer les meilleures performances noise, durant lesquelles le son devient presque physique, enveloppe et soulève l'auditeur.
.
La cymbalisation désigne le chant du mâle de la cigale, destiné à attirer la femelle. Il est produit par la déformation d'une membrane et est amplifié par une caisse de résonance faisant partie du corps de l'insecte. La fréquence et la modulation de la cymbalisation sont les seuls critères de différenciation pour certaines espèces de cigales.
.
Pistes d'"entomo-musique" : un CD enregistré par Tucker Martine qui présente une démarche similaire à celle de Dave Phillips Brokenhearted Dragonflies: Insect Electronica from Southeast Asia (Sublime Frequencies, 2007), le CD Cigales et grillons & autres insectes chanteurs du monde (sous la direction artistique de Jean-Claude Roché, Fremeaux et associés, 1999) et enfin le site Cicadasong qui présente des enregistrements d'un grand nombre de cigales et de la bibliographie sur le sujet.
.

mercredi 17 juin 2009

Dompter des chevaux

.
Well I rode out to the ocean
And the water looked like tarnished gold
I rode out on a broken horse
Who told me she'd never felt so old
She asked me if I'd feed her
And ride her now and then
.
No no no, no no no, no no no,
I break horses
I don't tend to them
I break horses
They seem to come to me
Asking to be broken
They seem to run to me
I break horses
Doesn't take me long
Just a few well-placed words
And their wandering hearts are gone
.
At first her warmth felt good between my legs
Living breathing heart-beating flesh
But soon that warmth turned to an itch
Turned to a scratch
Turned to a gash
I break horses
I don't tend to them
.
Tonight I'm swimming to my favorite island
And I don't want to see you swimming behind
Tonight I'm swimming to my favorite island
And I don't want to see you swimming behind
No I break horses
I don't tend to them
.
Smog, I break horses (Drag City, Kicking a couple around, 1996 et Accumulation : none, 2002)
La version 1996 ici. Pas d'infos sur la photographie ci-dessus.
.

mardi 16 juin 2009

Groove et tellurisme

.
Avec la musique, ce qui est parfois décourageant, mais le plus souvent terriblement enthousiasmant, c'est que l'on sait que l'on n'épuisera jamais un genre ou même un sous-genre. Il y aura toujours des pépites, des groupes extraordinaires (évidents pour certains, moins pour d'autres) à dénicher. Par exemple, dans l'immense galaxie free jazz, les probabilités d'émerveillement sont nombreuses. En effet, la liberté et la radicalité de cette musique ont souvent exclu ses créateurs de l'histoire officielle, nous empêchant du coup de les découvrir avec facilité. Cette difficulté n'est pas forcément une mauvaise chose : elle donne du goût et une histoire à notre révélation. Ces derniers temps pourtant, le travail de réédition de certains labels ou la mise à disposition sur des blogs mp3 permettent de passer outre ces problèmes d'accès.
.
Ces jours-ci, j'écoute beaucoup le saxophoniste Idris Ackamoor, dont le travail a été à nouveau révélé par l'excellent label japonais EM Records sous le titre Music of Idris Ackamoor 1971-2004. Les deux CDs comprennent essentiellement des pièces enregistrées durant les années 1970 avec les premiers groupes d'Ackamoor, The Collective et The Pyramids (3 albums à l'actif de ce dernier : Lalibela, 1973 - photo ci-dessus -, King Of Kings, 1974 et Birth, Speed, Merging, 1976). Cette musique est dévastatrice. Free jazz cosmique, percussions africaines, rythmiques funk et chants tribaux convolent pour créer un groove tellurique et essentiel. Sons de cloches entêtants, drones et envolées lyriques de saxophone participent à l'hypnose et à l'ivresse. Cette démarche de syncrétisme fait parfois penser à des aficionados d'un free jazz psychédélique contemporain tels que Valério Cosi, Neokarma Jooklo Trio ou certaines formations scandinaves comme Kemialliset Ystävät. En amont, elle dérive évidemment des pas de côté magnifiques de Sun Ra, Pharoah Sanders, Don Cherry ou de l'Art Ensemble of Chicago. Idris Ackamoor a fondé en 1979 la compagnie artistique Cultural Odyssey.
.

lundi 15 juin 2009

Ruffian, photos et altitude

.
Dorénavant, les photographies de concert (et d'autres, on l'espère) du camarade Ruffian volant seront postées sur le blog Flight of the Ruffian. Ca commence fort avec John Butcher, Charlemagne Palestine et Omar Souleyman. Bientôt, l'ICP Orchestra. On lui souhaite une bonne route !
.

vendredi 12 juin 2009

L'argent

.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
Une sélection parmi la cinquantaine de plans centrés sur des mains dans L'argent de Robert Bresson (1983). Quand la mise en scène raconte vraiment... Gestes quotidiens, gestes de mort, gestes d'échanges, gestes de rejet...
.

mercredi 10 juin 2009

Instant Composers Pool

Han Bennink et Misha Mengelberg, 1997 (photo : Francesca Patella, source : site web de l'ICP Orchestra)
.
Les années 1960 voient fleurir en Europe un mouvement musical qui n'a eu de cesse depuis de s'amplifier et de se renouveler : celui de l'improvisation libre. Si cette pratique existe depuis la nuit des temps, elle n'aura atteint son paroxysme et sa conscientisation qu'à cette période, notamment sous l'influence du free jazz afro-américain, des expérimentations de la musique contemporaine (sérielle, spectrale, minimaliste, électro-acoustique...) et d'avant-gardes artistiques comme Fluxus. D'emblée, cette mouvance s'internationalise, avec des ramifications en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Scandinavie ou en France.
.
Les Pays-Bas ne sont pas en reste. En 1967, le batteur Han Bennink et le saxophoniste Willem Breuker sortent l'album New Acoustic Swing Duo, la première sortie du label ICP (Instant Composers Pool). Cette structure qu'ils gèrent avec le pianiste Misha Mengelberg perdure encore aujourd'hui. Le nom du label, ICP, sonne comme un manifeste, puisqu'il définit l'improvisation comme une "méthode" de composition, qui se déroulerait dans l'instant de la rencontre musicale et se passerait donc de partition. Une telle manière n'induit pas un laisser-aller technique et/ou un hermétisme froid, comme pourraient le supposer certaines oreilles non averties, mais au contraire exige de la virtuosité, une capacité à surprendre et à puiser en soi nombre d'expressions et variations sonores sensibles et subtiles. Très vite, Bennink et Mengelberg deviennent les deux principaux animateurs du label, Breuker s'en éloignant pour se consacrer à son Kollectief.
.
Les disques de l'ICP comportent un personnel changeant, du duo de Bennink et Mengelberg dans sa forme la plus élémentaire à des formations étendues, accueillant parfois des musiciens étrangers comme John Tchicai, Derek Bailey ou Dudu Pukwana (du mythique groupe de free d'origine sud-africaine les Blue Notes). Dans sa forme actuelle, l'ICP Orchestra accueille, outre les fondateurs Han Bennink et Misha Mengelberg, nombre de musiciens prestigieux, hollandais mais aussi anglais, américains et allemands : les saxophonistes Ab Baars, Michael Moore et Tobias Delius, le contrebassiste Ernst Glerum, le trompettiste Thomas Heberer, le violoncelliste Tristan Honsinger, la violoniste Mary Oliver et le tromboniste Wolter Wierbos. La liste des collaborations de tous ces artistes est trop longue pour être rappelée ici. Cette page du groupe en donne une idée plus nette.
.
Par rapport à d'autres Big Bands d'improvisation européens, comme le Globe Unity Orchestra d'Alexander von Schlippenbach, le Barry Guy New Orchestra ou le London Improvisers Orchestra, l'ICP Orchestra se distingue par un attachement à certains incunables de l'histoire du jazz comme Thelonious Monk ou Herbie Nichols et par une volonté d'introduction de l'humour dans ses performances musicales. Ceci explique le sous-titre "Jazz + Classical Music + Absurdism" du livre New Dutch Swing de Kevin Whitehead (Billboard Books, 1998, réédité en 2000).
.
L'ICP Orchestra se produira ce samedi 13 juin au CC de Maasmechelen. Le vendredi, Misha Mengelberg jouera en compagnie de la violoncelliste Frances-Marie Uitti avant de céder la place au pianiste Tomoko Mukaiyama. Ici, on peut voir le groupe reprendre le Criss Cross de Monk et , collaborer avec le saxophoniste Anthony Braxton en 2006.
.

lundi 8 juin 2009

Temps du rêve et désolation

.
Ces aborigènes entourés de canettes de bière vides se saoulent pour atteindre le "temps du rêve", cette dimension qui, selon leurs croyances ancestrales, se développe en parallèle avec le temps et le précède.
.

dimanche 7 juin 2009

Offrande musicale

.
Après les concerts explosifs d'Omar Souleyman et Group Doueh à Hasselt, ce week-end continue sous le signe d'un des meilleurs labels actuels : Sublime Frequencies. Ces dernières années, ce dernier a oeuvré plus que tout autre à la reconnaissance de ces musiques bâtardes, du monde entier, qui naissent de la collision de la pop occidentale avec des pratiques sonores régionales. Cet intérêt s'est notamment traduit par l'apparition de blogs mp3 rendant disponibles des centaines de productions obscures, K7s, Lps ou CDs, dont la distribution n'est bien entendu pas assurée dans nos régions. Le travail de ces glaneurs passionnés permet de découvrir des pépites qui, sans eux, seraient sans doute restées enfouies à jamais. Il faut évidemment dériver et parfois trébucher dans ce labyrinthe musical, repérer les blogs où la qualité de ce qui est posté prime la quantité, se laisser tenter par une pochette de disque...
.
Je connaissais déjà les excellents Global Groove ou Awesome Tapes from Africa, déjà référencés ici même. Grâce à une personne bien intentionnée, je découvre ces jours-ci Monrakplengthai consacré exclusivement à des productions thailandaises et Music from the Third Floor à des bandes sons de Bollywood. Tous ces sites comprennent des liens vers d'autres blogs du même type. A chacun de faire son chemin...
.

vendredi 5 juin 2009

Dabke 2020

.
Après 2000, le nombre 2020 est à la mode. On s'en fiche. Ce samedi soir, le plus important est de rejoindre le Belgie à Hasselt afin d'y assister aux concerts d'Omar Souleyman (Syrie) et de Group Doueh (Sahara) lors d'une soirée consacrée au label Sublime Frequencies. En espérant que le groove du désert nous inspire les bons pas de dabke...
.
La soirée comprendra également la projection du documentaire Palace of the Winds d'Hisham Mayet et un dj-set de ce dernier en compagnie de Mark Gergis et Alan Bishop. Les albums Dabke 2020 d'Omar Souleyman et Treeg Salaam de Group Doueh viennent tous juste de sortir sur Sublime Frequencies.
.

mercredi 3 juin 2009

"Parti de rien, arrivé nulle part"

.
Au détour d'un rayon de librairie, il m'arrive d'être interpellé par des détails à première vue insignifiants. Avec Jérôme de Jean-Pierre Martinet (Finitude, 2008), il s'agit d'abord de cette image d'un monstre issu de l'imaginaire du peintre Jérôme Bosch. Ensuite, une fois passées les références impressionnantes de la quatrième de couverture (Dostoïevski, Joyce, Céline), je tombe sur une citation d'un roman qui devrait forcer l'attention de tout chercheur de vérité en littérature : Pétersbourg d'Andréi Biely (L'Age d'Homme). Placer un tel monument en exergue de son ouvrage et citer Faulkner et Bernanos dès les premières pages traduit une ambition presque démesurée.
.
Si Martinet n'égale pas ses maîtres, son roman est incontestablement une déflagration atypique dans les lettres françaises des années 1970 (Jérôme est paru une première fois aux éditions du Sagittaire en 1978). Depuis, l'ouvrage avait été quasi oublié, entre autres suite au sombre destin de l'auteur. Après des débuts peu convaincants dans le métier du cinéma, Jean-Pierre Martinet se consacre à l'écriture, mais rencontre peu de succès, notamment à cause de la noirceur extrême de ses récits. Plus tard, miné par l'alcool, il retourne vivre chez sa mère et meurt hémiplégique à l'âge de 49 ans. Dans une rubrique nécrologique rédigée de son vivant, il écrit : "Parti de rien, Martinet a accompli une trajectoire exemplaire : il n'est arrivé nulle part."
.
Le roman raconte la dérive de Jérôme Bauche (voir la référence au peintre flamand de la couverture), antihéros obèse, innocent et meurtrier, dans une ville hallucinée et hallucinante, à mi-chemin entre Paris et Saint-Pétersbourg. Si l'action se résume à peu de choses (les 100 premières pages racontent la discussion animée de Jérôme et son voisin Monsieur Cloret, puis le meurtre de ce dernier), tout l'intérêt de l'ouvrage réside dans une langue violente et rythmée qui alterne dialogues et monologues intérieurs logorrhéiques. Tous les personnages sont des excentriques, des pervers, toujours sur le point de basculer dans la folie furieuse. Ils incarnent une vision de l'humanité désenchantée, mais extrêmement drôle, tant le verbe et l'ironie de Martinet sont dévastateurs. Vénéneux et essentiel.
.
Ci-dessous, les premières lignes du roman. Pour aller plus loin, l'intégralité du premier chapitre est disponible sur le site de l'éditeur.
.
"Solange me répétait souvent, ces derniers temps, comme à peu près chaque année vers la mi-avril, qu’il allait falloir bientôt se méfier de la douceur de l’air. Surtout ne pas s’abandonner, ne pas se laisser aller à la nostalgie de l’amour et des caresses, car alors on est foutu. Foutu, tu comprends, Jérôme ? Elle aimait me parler cachée derrière les vieux rideaux en velours vert de la salle à manger. Sa voix ne me parvenait qu’assourdie, lointaine, comme celle d’une morte déjà, mais chaque mot se gravait dans ma mémoire. Oui, poursuivait-elle, mieux vaut respirer l’odeur infecte des canaux, eux au moins, avec leur eau croupie et toutes les saloperies qu’elle charrie, ne mentent pas. Que le printemps crève, qu’il ne revienne jamais. Monsieur Cloret s’est tourné vers moi et m’a demandé sur un ton faussement détaché si j’avais fini de me moquer de lui et de sourire stupidement aux anges. Comme je ne répondais pas, il m’a regardé longuement sans rien dire, au début avec une certaine indulgence, puis de plus en plus froidement, sans parvenir à masquer sa haine. Alors, toutes les fleurs noires, là-bas, dans les champs, sous les troènes, se sont mises à trembler de rage. Il tortillait nerveusement sa moustache, elle rebiquait légèrement vers le côté droit, et cela me donnait une folle envie de rire, vers le côté droit, ou gauche, je ne me souviens plus très bien, comme un crochet ou un doigt méchamment recourbé pour griffer, et si sa moustache avait rebiqué des deux côtés à la fois, on aurait dit un fer à cheval ou une petite barque qu’il aurait maintenue en équilibre sur sa lèvre supérieure, une petite barque d’un jaune délavé, vraiment ridicule, alors j’ai éclaté de rire car une odeur de gaufrettes chaudes entrait par la fenêtre."
.
D'autres romans de Jean-Pierre Martinet viennent d'être réédités : Ceux qui n'en mènent pas large (Le dilettante, 2008) et L'ombre des forêts (Petite Vermillon, 2008). Ici, une introduction à l'univers de l'écrivain par son ami Alfred Eibel.
.