lundi 22 septembre 2014

Le terril (21)


D'habitude, les réverbères de la rue proche éclairent tant soit peu nos promenades nocturnes. Mais ce soir-là, c'est comme si l'obscurité figurait à l'avance ce qui allait se passer. Trébuchant, cherchant ne fût-ce qu'un morceau d'étoile morte, nous rejoignons notre endroit habituel. Avant, nous échangions aux terrasses des cafés, dans les salons enfumés et les bars en déroute. Désormais, pour nos rencontres, nous nous rendons là où le sol se dérobe. Là où l'eau surgit avec fracas. Là où la lumière décline. Cette fois, au centre d'un trou noir.
Nous ne causons guère, il n'y a rien à dire. Soudain, un cri grave retentit, s'étire et s'achève en un grognement. Un autre un peu plus bas. Puis un troisième juste derrière nous. Nous sommes bientôt entourés. Les bêtes à cornes sont sorties de leur souille et trépignent autour de nous. Le sang noir devra-t-il couler ? Guère rassurés, nous restons immobiles, et attendons. Un bruit de cavalcade suivi d'un hurlement bref. Et puis plus rien. Je me terre et tremble : je n'ai pas l'âme d'un chasseur-cueilleur. 
A l'aube, la lumière revient et je peux enfin voir ce qu'il est advenu de mon compagnon, mon ami, mon frère. Le moins que l'on puisse écrire, c'est que les andouillers de massacre, trochures et épois ont bien tranché. La Bête a pris l'Homme. Je devrai désormais baguenauder seul.
En avant.

Aucun commentaire: