dimanche 29 décembre 2013

Les sans-noms (1)





Premier explorateur arctique afro-américain, Matthew Henson (1866-1955) accompagne Robert Peary lors de ses expéditions en quête du Pôle Nord géographique. D'après certains, Henson serait même le premier à avoir atteint ce point mythique en avril 1909 (voir photo ci-dessus avec Henson au centre portant le drapeau polaire). Mais c'était sans compter avec la couleur de sa peau et seul Peary fut honoré pour cet exploit. Largement ignoré pendant des décennies, Henson a été célébré après sa mort par la construction d'un monument funéraire, l'émission de timbres postaux à son effigie, la remise de médailles... Dans son ouvrage Ultima Thulé, Jean Malaurie souligne que sa "personnalité complexe, melvillienne, n'a pas été suffisamment étudiée." On en saura peut-être davantage grâce à la très belle bande dessinée de  l'Allemand Simon Schwartz Dans les glaces (Sarbacane, 2013), consacrée à l'histoire de Henson, faisant aussi la part belle aux légendes des Inuit.

vendredi 27 décembre 2013

Paradigme indiciaire (14)

 





Quand nous ouvrions une pelote de réjection, nous imaginions un rapace la nuit, ses yeux perçants dans le noir, le vol plané, la mise à mort et le festin. Quand nous examinions des empreintes et des pistes dans la boue, nous gambergions sur les hauts vols d'oiseaux de passage, sur les lointaines contrées d'où ils venaient et où ils partaient. Ils étaient passés, repartis, nous n'avions rien vu, et la trace de leur présence nous était pourtant offerte. Grâce à eux, nous avons pressenti ce que pouvaient être l'ubiquité et la mémoire. Grâce à eux, nous avons grandi avec des plumes, des brindilles et des coquilles d'escargots plein les poches. 

mercredi 25 décembre 2013

La danse des possédés (77)



Ils marchaient les yeux grand ouverts et n'avaient pour seule terre que celle qui collait à leurs chausses. Ils n'ont rien senti venir et leurs tympans ont été déchirés par des tourbillons de cordes. C'était l'Amour Suprème.

"Love. Love is a sacred word. Love is the name of God. 
The entire universe is created with Love, by Love, and in Love.
 Love is the beginning, Love is the continuation, and Love is the end.
 Love for Love’s sake is divine. It is constructive, it is beautiful.
 It brings peace, it brings harmony, it brings joy to the lover and to the loved. But if Love is based on selfishness, egoism, the very same Love brings destruction. Peace and harmony is based on Love and, used properly, by a selfless mind, for the benefit of the humanity, Love knows no business. Love knows no bargain. Love never expects anything in return. Love knows only giving, giving, and giving without even waiting for a thank you. Such a Love is the supreme One. Let that Love Supreme reign over the universe." 

lundi 23 décembre 2013

La danse des possédés (76)

 

Arlt sort bientôt un album présentant une sélection de son répertoire revisité avec l'aide de Thomas Bonvalet (Cheval de Frise, L'Ocelle Mare, Powerdove...). On s'en réjouit, tout comme de la référence à ceci...

samedi 21 décembre 2013

Le terril (8)


Lulu naît le 8 avril 1949 dans un sous-bois de Campine et suit sa mère en frottant les fougères. Avec son cri râpeux, il attire les balles et fait frissonner les amateurs de sous-bois. Il grandit, colchide et picore d'éventuelles partenaires avant de se faire étaler un beau matin du printemps 1952. Un coup de froid brutal avait ramené la neige. Un taxidermiste expérimenté lui fait sa première et dernière toilette. Bientôt, l'animal prêt à s'envoler pour l'éternité orne un meuble dans le fond d'une petite classe de Geel (Je komt er, Je blijft er). Les épaules d'enfants s'affaissent. Pour sa retraite, Gabriel le professeur revient chez sa mère à Oupeye, au nord de Liège, et emporte l'oiseau. Nous sommes en 1983. Lulu surveille désormais la table du salon et s'imprègne de l'odeur du bouilli. Les années passent, Maman meurt, Fiston meurt, le vide-greniers arrive. Le faisan entame alors un long voyage, allant d'un perchoir digne à une caisse vermoulue, passant par un château hesbignon et un hôtel de la Côte. Un long séjour dans une cave, confortable au demeurant, et il émerge enfin sur une brocante de quartier près de chez moi. C'était il y a deux semaines et je l'ai ramené à la maison. Il découvre peu à peu notre intérieur. Deux jours dans le salon, deux jours dans la cuisine. Cette nuit, au-dessus de mon lit. Ce matin, je l'ai promené sur le terril. Et tout semblait à sa place. On ne peut certes écrire que Lulu incarne le "pur jailli d'une bête", mais le terreau goûte bon. En avant.

jeudi 19 décembre 2013

Mnémotourisme (25)


On rêve que le ciel s'obscurcisse encore.

Au sujet du Pigeon migrateur (Ectopistes migratorius), Pehr Kalm écrit en 1759 :
"Au printemps 1749, venant du nord, il arriva en Pennsylvanie et au New Jersey un nombre incroyable de ces pigeons. La nuée qu'ils formaient en vol s'étendait sur une longueur de 3 à 4 miles et une largeur de plus d'un mile, et ils volaient si serrés que le ciel et le Soleil en étaient obscurcis, la lumière du jour diminuant sensiblement sous leur ombre.
Sur une distance pouvant aller jusqu'à 7 miles, les grands arbres aussi bien que les petits en étaient tellement envahis qu'il était difficile de trouver une branche qui n'en était pas couverte. Quand ils s'abattaient sur les arbres, leur poids était si élevé que non seulement des grosses branches étaient brisées net, mais que les arbres les moins solidement enracinés basculaient sous la charge. Le sol sous les arbres où ils avaient passé la nuit était totalement couvert de leurs fientes, amassées en gros tas"

Plus impressionnant encore, le témoignage de John James Audubon (par ailleurs auteur de l'aquarelle représentant le pigeon en question ci-dessus), dans les années 1830 :
"Le ciel était littéralement rempli de pigeons, la lumière de midi était obscurcie comme par une éclipse ; les fientes pleuvaient comme des flocons de neige fondante. Les pigeons continuèrent à passer en nombre toujours aussi important durant trois jours consécutifs." 

On a estimé le nombre d'effectifs de cette espèce entre 3 et 5 milliards au début du 19e siècle, rien que pour les États de l'Indiana, de l'Ohio et du Kentucky. Vers 1810, un certain Alexander Wilson mentionne un vol de 2 230 272 000 individus.
C'est beaucoup.
Pourtant, le 1er septembre 1914, Martha, la dernière représentante de son espèce, meurt au zoo de Cincinnati.

lundi 16 décembre 2013

Vers les cimes (37)


Un lapin, un cerf, un soldat, un livre et un chat dans un récit, à la fois simple et complexe, qu'on croirait écrit par un sage de l'Antiquité. Je ne me doutais pas qu'un livre ramené à la maison initialement pour mes cohabitants de petite taille deviendrait une de mes lectures les plus importantes de l'année. L'ombre de chacun de Mélanie Rutten (MeMo) rend les ombres moins obscures.

L'ombre de chacun (extrait)


vendredi 13 décembre 2013

Du papier pour 2013


Malgré tout, on aura lu d'incroyables livres en 2013. Merci à eux, à leurs auteurs, à ceux qui les ont conseillés, fabriqués, vendus, rêvés et partagés. Et une pensée à tous les pilonnés. Damnés de cellulose de la terre, que votre espoir de devenir demeure !
Et voici la sélection de l'année, toutes catégories confondues (et ci-dessus, une photo d'Aurélien Villette) :

Ivan Jablonka, Histoire des grands-parents que je n'ai pas eus.
Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre.
Georges Perec, Penser/Classer.
Luc Boltanski, Enigmes et complots. Une enquête à propos d'enquêtes.
Pierre Bergounioux, Un peu de bleu dans le paysage.
Anne Serre, Petite table, sois mise !
Annie Ernaux, Les années.
François Bon, Préhistoire. La fabrique de l'homme.
Patrick Deville, Peste et choléra.
Rick Bass, Les derniers grizzlis.
Cat. expo. De l'Allemagne, 1800-1939. De Friedrich à Beckmann.
Marcel Proust, Le temps retrouvé.
Jean-Christophe Bailly, Le parti-pris des animaux.
Tarjei Vesaas, Palais de glace.
Arlette Farge, Le goût de l'archive.
Denis Rigal, Terrestres.
Pierre Michon, Le roi vient quand il veut.
James Sallis, Le faucheux.
Philippe Artières, Rêves d'histoire. Pour une histoire de l'ordinaire.
Dominique Kalifa, Les bas-fonds. Histoire d'un imaginaire.
Anders Nielsen, Big Questions.
Stéphane Audoin-Rouzeau, Quelle histoire. Un récit de filiation (1914-2014).
Céline Minard, Faillir être flingué.
David Bosc, La claire fontaine.
Adrienne Barman, Drôle d'encyclopédie.
Albert Camus, Le premier homme.
Marie Richeux, Polaroïds.
Frans de Waal, Pascal Picq, Dominique Lestel, Vinciane Despret et Chris Herzfeld, Les grands singes.
Mélanie Rutten, L'ombre de chacun.
Cat. expo. La licorne et le bézoard. Une histoire des cabinets de curiosités.
Marcus Rediker, A bord du négrier. Une histoire atlantique de la Traite.
Todd Oldham, Charley Harper. An illustrated Life.
 ...

lundi 9 décembre 2013

Le terril (7)


Que celui qui n'a jamais vu le monde se morceler jette la première pièce de puzzle !
Des bruits de motos au loin. Et la boue. Penser à jeter des clous ? Sur le bord d'un sentier, un puzzle offre une image réduite du terril qui est un peu le monde : usé et composite. Mais ses pièces n'épousent-elles pas parfaitement les feuilles mortes et le gravier ? Cette apparente dysharmonie se mue progressivement en autre chose. Et réconforte finalement plus qu'elle n'abat : le Jeu est partout. En avant.

vendredi 6 décembre 2013

jeudi 5 décembre 2013

Mnémotourisme (24)




"Et, de leurs voix de géants, les hauts-parleurs clament aux quatre coins de l'immense usine leurs lugubres appels..."

"Et soudain, dans un fracas infernal, les fusées géantes bondissent vers le ciel..."


"Et, comme une trainée de poudre, la terrible nouvelle se répand dans l'univers."