jeudi 1 août 2013

Le terril (5)


La Société protectrice des animaux est installée le long d'un des flancs du terril. On y passe souvent, à moitié égaré, absorbé dans ses pensées, bientôt mélancolique. Approcher de ces lieux signifie en effet que le paysage sonore va être troublé, comme contaminé par une maladie. Ce sont des hurlements de nombreux chiens s’additionnant, s'entremêlant et jamais ne donnant l'impression d'une joie commune. C'est la douleur et la tristesse, primaires. On a lu et imaginé L'appel sauvage, The Call of the Wild, et là on subit un appel de vaincus, de condamnés presque. On voudrait se boucher les oreilles, ne plus jamais entendre ça. Et pourtant, on y revient. On y imagine les vies de ces animaux aux parcours divers, à chaque fois uniques. Abandonné sur une aire d'autoroute, confisqué pour mauvais traitements, choyé puis perdu. Riri, Fifi, Loulou et autres Tintin boiteux... Qu'ont-ils vu ? Qu'ont-ils perçu des destinées humaines que leur route a croisées ? Où iront-ils par la suite ? Pour quels enchantements et quelles douleurs ? Tout est possible. Une seule chose ne l'est pas : se rendre visibles aux yeux des promeneurs du terril. On les entend, mais on ne les voit pas.
Ce jour-là, je passe comme d'habitude devant le panneau intimant l'injonction de ne pas jeter de cadavres sur la voir publique et à la place, de contacter telle firme pour le traitement des corps. (Oui, on vit avec ça). Un peu plus loin, une porte et un écriteau : "CHENIL DE NUIT". Un moment, l'esprit s'égare pour ne retenir que l'expression, belle en dehors de tout contexte. Chenil de nuit, Chenil de nuit, Chenil de nuit. Mais qu'est-ce ? J'appuie sur la sonnette et on me fait entrer. On me fait asseoir et attendre, puis on m'emmène dans un autre local. Désormais, comme Pepette, Cannelle, Lucky, Gamin, Choupette, Lady, Prince, Guismo et tous les autres, je sais. En avant. 

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