mardi 25 janvier 2011

Vers les cimes (1)

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"Haro ! Haro !! Haro !!! sus aux censeurs.
Je n'estime guère le bourgeois censeur moralisant ni sa logique rabique ventrue alimentée de rancoeur, morale indigeste de râble d'estomac, intestine morale de bourses et de culottes, morale inélégante, anti-galante, morale vicieuse et de fiel composée. Morale servile cuisinée, faisandée poulardée de vieux puceau de Virginie, morale de conseillers déchaussés, en mauvaise odeur de sainteté. Morale "Baelsamique" et morose, morale enragée de cafard macéré au cerveau de foetus poissonneux, morale indiscrète, espionne, bavarde, cachottière, aiguicheuse, allumeuse, éveilleuse de mauvais sentiments. Excitante, outrageante. Morale sans quartier blasonnée de gueules de douairières dépitées. Morale désuète de jupe rouge, d'inquisiteur-rôtisseur traînant en laisse jolie diablesse bien fessée, ou tirant gentimment un pauvre diable par la queue. Morale médicastrée de vivisecteur à moelle de ouistiti, morale d'arpenteurs désaxés reluquant au point de vue insoupçonnés, morale d'architecte cubiforme aux gueules branlantes, aux derrières croulants mal bétonnés. Morale de roquet gâteaux maculant fleurette rose, morale lunettée convexe ou concave de lunatiques microscopés, morale immorale.
Haro ! Haro ! ! Artistes, amis purs et hautains réagissez et vertement et condamnez à l'exemple du Christ et impitoyablement et picturalement, musicalement et littérairement le bourgeois-censeur verbalisant.
Songez au pauvre Eeckhoud, au grand Lemonnier odieusement traînés sur la claie d'infamie. Songez aux pages vivantes et puissantes griffées par l'index érectile des gabelloux farfouilleurs. Songez à Hugo, à Flaubert, Zola, Verlaine, Baudelaire, encore à Bizet, à Wagner, cruellement persiflés. Et pour l'amour, l'honneur et la bonté.
Haro ! Haro ! !
Haut vos mains griffues, avides de pierres, lapideurs carnassiers borgnes et louches, flaireurs incorrigibles. L'art est pur. A bas vos pattes et n'accusez plus, ne péchez plus messieurs les bourgeois trop censeurs, vos suffisances matamoresques appellent la finale crevaison grenouillère.
Haro ! Haro !! Haro !!!"
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James Ensor, Sus aux censeurs, 1935 (texte issu de Dame peinture toujours jeune, 2009, pp. 223-224). La raie (1892) est conservée aux Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.
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