vendredi 7 mai 2010

Le siècle du cinéma

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"James Dean, jeune ange colorié en celluloïd et mal, adolescent à toute vitesse et mâle déguisé par le désespoir mécanique, libère avec sa mort les enfants terribles sans fleurs, soleils et rythmes.
Quand les mythes prennent de telles proportions, il faut aller plus loin que tous les débraillés qui existeraient encore, pour enfin liquider la forme et la formule en gestes de spasmes et de douleur.
James Dean sature la tradition du mythe et envahit l'espace des désirs.
Ange rebelle habité par un démon insatisfait et tourmenté par un Œdipe inconscient - la jeune mère qui l'a bercé et qui a vite disparu de son enfance -, Dean déchirait l'asphalte et dépliait les courbes de la route en cherchant un sens à la vie dans chaque coup de volant.
Parce que ses yeux étaient faibles, l'esprit atteignait un but et la voiture d'acier poli, bolide perçant un génie - substitut, au rythme déséquilibré, du berceau maternel - rompait le vent et libérait l'enfant de cette angoisse qui s'échappait des blousons de cuir noir, des vieux pantalons de vacher, des cheveux en bataille, comme ceux de Méduse.
Dean ne fut pas une étoile ordinaire.
Il est le symbole d'une génération sans morale à laquelle obéir et réfugié derrière les formules.
Il a hurlé contre le jugement avant de sentir, et pour cela il a aimé animaux et machines.
Il portait un "mal de vivre" et jamais il ne fut surpris par la mort.
Il savait la tragédie et l'a précipitée à cent soixante-dix kilomètres de choses inexplicables.
"James comme Joyce, Byron comme le poète boiteux, Dean comme moi..." - JAMES BYRON DEAN."
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Glauber Rocha, publication originale : "James Dean - um Anjo e um Mito" dans A Tarde (Salvador, mai 1957), traduit en français par Mateus Araujo Silva et édité en 2006 par les excellentes éditions Yellow Now dans un recueil de chroniques de Rocha intitulé Le siècle du cinéma.
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C'est via la très belle liste de films et le blog de Globe Glauber que j'ai découvert le cinéaste brésilien Glauber Rocha (la correspondance entre ces noms n'est bien entendu pas un hasard). S'il est le chef de file du "Cinema Novo" (le cinéma moderne brésilien des années 1950-60 influencé par le Néo-Réalisme italien et la Nouvelle Vague française), je n'ai pu voir de Rocha que le chef-d'œuvre Antonio Das Mortes, qui s'attachait à suivre les péripéties d'un bandit de grand chemin dans le Sertao (pour info le sous-titre O Dragão da Maldade contra o Santo Guerreiro signifie Le dragon de la méchanceté contre le saint guerrier, ça ne fait pas envie ?). Sur Rocha, voir notamment ici.
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C'est encore le même Globe Glauber (merci à lui !) qui m'a signalé l'existence de l'ouvrage Le siècle du cinéma que je me suis précipité d'acquérir. Ce livre est intéressant à plus d'un titre. D'abord, les plus de 80 textes critiques rassemblés ici l'ont été par Glauber Rocha de son vivant. On ressent ainsi une réelle cohérence à l'ensemble, divisé en trois sections consacrées au cinéma d'Hollywood, au Néoréalisme et à la Nouvelle Vague. Ensuite, il y a un style très personnel, qui navigue entre évocation poétique (voir ci-dessus), pamphlet politique (notamment une charge réjouissante sur "Apocoppolakalypse" Now) ou encore reportage burlesque (par exemple une rencontre hilarante avec Luis Bunuel). Enfin, la pensée de Rocha se construit comme une lecture très originale du cinéma occidental car elle est échafaudée du Brésil, en dehors des circuits habituels, de surcroît par quelqu'un aux idéaux politiques affirmés. Plonger dans ce livre permet ainsi de découvrir ou de redécouvrir de nombreux films aimés...
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