jeudi 21 janvier 2010

Field Week-end

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Ce soir, un détour par le Carlo Lévi (Liège) s'impose afin d'y écouter le duo basse-batterie-électroniques Basshaters, dont le concert d'improvisation-noise en novembre de l'année passée avait impressionné plusieurs amis. Pour plus d'infos, voir ici et .
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Ce "décrassage auditif" sera un préambule parfait à un week-end consacré à l'écoute attentive, puisque deux évènements sont consacrés à un de mes centres d'intérêt du moment : le field recording. Ce vendredi soir à 18.30, à la Médiathèque de la Communauté française à Liège, Pierre-Charles entreprendra un "voyage commenté au pays des sons". Cet exposé sera suivi à 19. 30 par une écoute de "phonographies" d' Olivier Toulemonde (dont on avait parlé ici et ).
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Dimanche après-midi, à 16.00, aux Ateliers Claus, aura lieu A Field Afternoon with Martiensgohome, Pauwel De Buck and Mecha/Orga. Soit l'immersion dans des paysages sonores enveloppants et riches de mille détails.
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mercredi 20 janvier 2010

Blocs de conscience

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Depuis quelques jours, je dévore un magnifique ouvrage qui devrait intéresser tous les aficionados de musique exploratrice. Blocks of Consciousness and the Unbroken Continuum a été édité par Brian Marley et Mark Wastell et publié par l'excellent disquaire Sound 323. Le livre contient divers articles de musiciens et/ou thérociens : Dan Warburton, David Toop, Jean-Luc Guionnet... L'objectif est de donner un aperçu des développements significatifs en matière de musique aventureuse depuis quelques années. A plusieurs endroits, les auteurs suggèrent que ce ne sont pas spécialement les techniques qui ont évolué, mais plutôt la perception de l'auditeur, qu'il soit musicien ou pas. Ce glissement de considération de ce qui est musical ou pas, de ce qui est écoutable ou pas, explique en partie l'essor des musiques concrète et anecdotique ou du field recording. La faveur d'une esthétique minimaliste ou réductionniste pourrait également être liée à ce changement de perspective. Cette "révolution" est étudiée à travers le prisme du fameux 4'33'' de John Cage dans un texte passionnant de Brian Marley.
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Ailleurs, c'est à une véritable critique des concepts d'improvisation, idiomatique ou non, de composition et de composition instantanée que se livre Dan Warburton. Le livre comprend en outre des articles se penchant sur l'oeuvre d'artistes précis (The Necks, Sachiko M...) et est parsemé d'interventions de musiciens (Mattin, Otomo Yoshihide, Steve Roden, Angharad Davies pour n'en citer que quelques-uns) répondant à la question du harpiste Rhodri Davies : What are you doing with your music ? La réaction peut-être la plus fascinante est celle de Lee Patterson, qui élabore toute une théorie de l'acte musical reposant sur son expérience d'écoute de micro-évènements quotidiens, la cuisson d'un oeuf par exemple.
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L'intérêt de l'ouvrage réside enfin dans sa mise en page et dans son illustration (par Damien Beaton), abstraite, organique et évolutive. Qu'ajouter si ce n'est qu'un DVD comprenant de belles séquences (filmées par David Reid) de concerts de John Butcher, Nmperign, Keith Rowe et bien d'autres l'accompagne ? Un très beau Status Quaestionis pour une musique qui interroge, fait du lien et va de l'avant.
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jeudi 14 janvier 2010

Le dernier récital

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Certains enregistrements sont auréolés d'une aura funeste et apparaissent comme de véritables testaments. C'est le cas du Dernier Récital (EMI) du pianiste Dinu Lipatti à Besançon le 16 septembre 1950. Ce disque est probablement un des plus beaux de musique classique que je connaisse. Après avoir étudié entre autres avec Charles Munch et Alfred Cortot, le jeune Lipatti (né en 1917), d'origine roumaine, entame une carrière retentissante que la seconde guerre mondiale viendra tempérer. C'est durant cette dernière que le pianiste commence à souffrir de la maladie de Hodgkin, qui finira par l'emporter le 2 décembre 1950, à l'âge de 33 ans. Ses principaux enregistrements, pour la firme EMI, datent de l'immédiate après-guerre.
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Durant l'automne 1950, la maladie commence à avoir raison de Lipatti. Contre toute attente (son état est tel que la retransmission en direct est annulée au dernier moment), il montera une dernière fois sur scène pour interpréter un répertoire de certaines de ses pièces favorites : la première Partita de Bach (BWV825); la Sonate pour piano no.8 (K310) de Mozart et des Impromptus de Schubert. Seul effet audible de la maladie et de l'épuisement, il ne jouera que 13 des 14 Valses de Chopin, dont il est resté un des grands exégètes. La musique qui nous est ainsi offerte donne l'impression de planer très haut et marque par sa fluidité, sa force émotive et sa puissance évocatrice. Pour s'en convaincre, il suffit d'écouter le troisième Impromptu de Schubert (par exemple ici) : le reste est à l'avenant.
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dimanche 10 janvier 2010

Bitterkomix

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L'Association a édité l'année passée un splendide recueil d'histoires et planches initialement parues dans la revue Bitterkomix, fondée en Afrique du Sud par Conrad Botes et Anton Kannemeyer en 1992. Les oeuvres rassemblées, historiques, autobiographiques ou fantasmatiques, ainsi que les textes d'analyse de J.-C. Menu, Andy Mason et Gregory Kerr, donnent une vision fascinante, souvent pessimiste et grinçante, de la société afrikaner. Violence, sexe et racisme sont les thèmes de prédilection de Botes et Kannemeyer, les deux principaux auteurs de la revue. Si dans certains contextes, le recours à ces thématiques est souvent racoleur, leur utilisation dans un monde marqué au fer rouge par son histoire coloniale et soumis à la censure prend tout son sens. Ligne claire pour Kannemeyer, expressionnisme pour Botes, la verve graphique justifie de toute façon à elle seule la compulsion d'un ouvrage vibrant. Pour plus d'infos, voir notamment ici.
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La musique détestée

Chris Corsano en action au Scheld'Apen à Anvers (photo de Flight of the Ruffian).
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Mon interview du batteur américain Chris Corsano est parue sur Le Son du Grisli. Collaborateur d'Evan Parker, Thurston Moore, Björk ou encore Joe Mc Phee, Corsano est devenu un musicien improvisateur essentiel, libre de jouer dans des contextes divers relevant aussi bien du free jazz que de la noise. J'avais parlé de son duo avec Mick Flower ici et d'Another Dull Dawn, son dernier album solo .
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mercredi 6 janvier 2010

L'anarchie du silence

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Détail de la partition de Water Walk (1959) de John Cage, composition interprétée dans un show populaire à la télévision en 1960 ci-dessous.
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Par des biais détournés, je passe quelques jours à Barcelone et en ai donc profité pour visiter l'exposition L'anarquia del silenci. John Cage i l'art experimental au Museu d'Art Contemporani. Consacrer une rétrospective à ce grand créateur paraît évident tant sa pensée et ses oeuvres cristallisent les enjeux artistiques essentiels du siècle passé : où s'arrête l'art et où commence la fumisterie ? Où se situe la frontière entre l'écoutable, le "musical" et le juste audible ? Comment s'émanciper de la complexification du sérialisme et des autres musiques dites savantes ? Quel est le juste équilibre entre toute puissance du compositeur et intervention de l'interprète ? ...
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L'exposition fait évidemment la part belle à l'évocation sonore et visuelle de l'oeuvre de John Cage. Désormais, avec celui-ci, les partitions (présentées en grand nombre, à juste titre) ne sont plus simplement musicales puisqu'elles contiennent autant d'informations concernant le "concept" et l'interprétation de la pièce que de notes. Plasticien lui-même et convaincu de l'intérêt de la fusion des différents champs artistiques, Cage a croisé la route de nombreux créateurs : Marcel Duchamp, Robert Rauschenberg, Merce Cunningham... Leurs réalisations sont donc mises en parallèle, souvent avec bonheur, avec celles du compositeur. Pour qui prend la peine d'écouter, de lire et de regarder, l'exposition enseigne ainsi une foule de choses. Elle démontre une fois encore, malgré une approche parfois trop académique (pas assez de bruit, pas assez de silence par exemple), que l'iconoclaste mycologue est une des personnalités les plus géniales des dernières décennies.
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