mercredi 25 février 2009

S'il ne fallait en garder qu'un seul...



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Le premier film de l'indien Satyajit Ray La complainte du sentier (Pather Panchali) (1955) est le premier volet de la trilogie Le monde d'Apu et est adapté d'un roman de Bibhouti Bhoushan Banerji. Le film et le livre sont actuellement disponibles ensemble aux éditions Gallimard dans la collection L'imaginaire.
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mercredi 18 février 2009

No Man's Land

Monument funéraire du cimetière de chiens d'Asnières-sur-Seine (décrit par Emmanuel Bove ci-dessous)
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J'ai découvert l'écrivain Emmanuel Bove (1898-1945) par divers biais. Enrique Vila-Matas, grand passeur de littérature, le cite régulièrement dans ses interviews et le fait intervenir dans son très beau Docteur Pasavento. Par ailleurs, en lisant le work in progress sur la vie et l'oeuvre de Jacques Rigaut par le passionné Jean-Luc Bitton, je me suis rendu compte que ce dernier avait déjà consacré de longues recherches sur Bove, concrétisées par un site très complet et une biographie en collaboration avec Raymond Cousse : Emmanuel Bove, la vie comme une ombre (Le Castor Astral, 1994).
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Après un (relatif) succès durant les années 1920, Bove est plus ou moins tombé dans l'oubli jusque dans les années 1990 où grâce aux efforts de Bitton et au succès de ses écrits dans les pays germaniques (Peter Handke est un grand fan), on a commencé à le rééditer. Mes amis est le premier de ses romans que j'ai lus et un de ses plus connus. Il narre les efforts d'un "homme de la foule", Victor Bâton, qui essaie de briser sa solitude en rencontrant plusieurs inconnus, ses "amis". Ces tentatives aboutissent toutes à l'échec. Cette histoire insignifiante d'un homme sans consistance est écrite dans une langue d'une merveilleuse concision, conférant au roman une grande force poétique.
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Bécon-les-Bruyères, dont je m'aperçois qu'il vient juste d'être réédité aux éditions Cent Pages, est publié dans la revue Europe en mai 1927, avant de paraître le mois suivant chez Emile-Paul frères, dans la collection “Portraits de la France”. Cette petite ville de la banlieue parisienne n'a, de l'avis de tous, aucun intérêt qu'il soit architectural, historique ou économique, si bien que la critique de l'époque s'est indignée qu'on lui consacre un texte dans cette collection. Pourtant, la description extrêmement précise qu'en fait Bove en révèle toute la dimension romanesque. Il semble qu'à la manière d'un Georges Perec, rien n'ait échappé au regard scrutateur de l'écrivain : les horaires de trains, la forme des façades d'immeubles, le nom des rues... Tous ces éléments sont intégrés dans une méditation mélancolique qui transforme cet endroit endormi en zone à mi-chemin entre le rêve et la réalité.
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"Dans une île, en face de l'usine à gaz, se trouve le cimetière aux chiens qui, avec la traversée de Paris à la nage et l'affluence des gares, sert à alimenter les journaux en été. La statue du saint-bernard qui sauva quarante et une personnes et fut tué par la quarante-deuxième se dresse à l'entrée. Elle contribue tout de suite à imprégner l'air de toutes les formes de la gratitude. Le sentiment qui fait répugner l'homme à de petits cercueils ne s'éveille pas ici. Les tombes sont petites, plus petites que celles des enfants que l'on met dans des cercueils trop grands pour eux. Il semble que ce soit dans un cimetière d'amants que l'on s'avance. Les monuments, qu'ils soient fastueux ou modestes, et sur lesquels sont gravés des prénoms seulement, recouvrent tous des corps qui furent aimés. En lisant ces prénoms, on sent que l'on pénètre dans mille intimités. Les photographies émaillées, jaunies par les ans, accrochées aux stèles, car on peut planter des clous dans la pierre, représentent des chiens fidèles et font imaginer, par-delà le photographe, une jeune femme qui les menace du doigt pour qu'ils restent immobiles. Boby, Daisy, vous dormez ici depuis 1905. Mais qu'est devenue votre maîtresse, et cette peau d'ours blanc, et cette table légère sur lesquelles on vous a photographiés ?"
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Bécon-les-Bruyères, dans Romans, Paris, Flammarion, 2006, p. 242.
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mardi 17 février 2009

Traité de bave et d'éternité

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Ce mercredi 18 février, le Beursschouwburg a la très bonne idée de projeter le Traité de bave et d'éternité d'Isidore Isou (1925-2007). Ce film conspué à Cannes en 1951 est la première manifestation cinématographique de ce mouvement iconoclaste qu'est le lettrisme. Dans cette œuvre, Isou exploite diverses techniques expérimentales comme la dissociation de l'image et du son (le montage discrépant) ou l'attaque physique de la pellicule (la ciselure). Son objectif est l'anéantissement, seule source désormais possible de beauté, du cinéma, qui depuis les chefs-d'œuvre de Murnau, Cocteau ou Bunuel n'a fait que s'affadir et se boursoufler. "Je crois premièrement que le cinéma est trop riche. Il est obèse. Il a atteint ses limites, son maximum. Au premier mouvement d’élargissement qu’il esquissera, le cinéma éclatera !" (citation du film)
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Cette démarche a influencé de nombreux créateurs, des cinéastes de la nouvelle vague à Guy Debord ou Chris Marker. Le film est disponible en DVD grâce à l'excellente maison re-voir. Des infos sur Isidore Isou et le lettrisme sur le site officiel du lettrisme.
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dimanche 15 février 2009

Beware

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Bonnie Prince Billy - Will Oldham tire la tête, mais fait l'objet d'une série de photos très amusantes par le Wire. Son nouvel album Beware sort à la mi-mars sur Domino.
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Strike up the band !

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Découvrir, écouter et approfondir toutes les richesses de la musique récente d'Anthony Braxton est une gageure. En effet, cette œuvre aux multiples ramifications est extrêmement bien documentée : plusieurs coffrets sortis sur les labels Iridium, Important Records, Leo Records ou encore Clean Feed en témoignent. Le concept de Ghost Trance Music initié par le musicien lui permet d'explorer divers territoires soniques, de l'expérimentation influencée par les théories de la musique dite contemporaine au recyclage de formes héritées des grands créateurs afro-américains du 20e siècle. J'ai beaucoup d'admiration pour ce génie aux gilets un peu amples qui peut aussi bien rivaliser en puissance avec le groupe de noise Wolf Eyes que jouer en concert des solos de saxophone à couper le souffle ou encore créer des compositions pour larges ensembles d'une complexité renversante.
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J'ai donc l'agréable surprise d'apprendre la sortie d'un coffret 6 CDs documentant les concerts donnés à Bruxelles par son quartet du 23 au 26 novembre 2006. J'avais eu la chance d'assister à une de ces soirées au PP Café durant lesquelles le légendaire saxophoniste était accompagné par des musiciens italiens : Alessandro Giachero (piano), Antonio Borghini (basse) et Cristiano Calcagnile (batterie). Comme dans les deux très beaux coffrets 4 CDs intitulés 23 Standards et 20 Standards (Leo Records, 2003), la veine musicale est celle d'une exploration joyeuse et révérencieuse des standards de l'histoire du jazz. On croise ainsi des reprises de Thelonious Monk, Charlie Parker, Eric Dolphy ou encore George Gershwin. Le coffret, édité par le label italien Amirani Records, inclut également un essai de la poétesse Erika Dagnino : Positions for listening, Real space and dislocation, A possible anthropogony. On commande ça très vite !
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vendredi 13 février 2009

Pour qui sonne le glas

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Jusqu'au 19 avril, une rétrospective de l'œuvre photographique de Robert Capa (1913-1954) a lieu au Musée Juif à Bruxelles. Plus de 150 clichés prêtés par l'agence Magnum, dont il fut un des fondateurs en 1947, sont visibles et permettent de retracer le parcours d'un des plus célèbres photographes de guerre au 20e siècle. Ses reportages lors de la guerre civile d'Espagne auprès des troupes républicaines ou lors du débarquement allié en Normandie ont marqué durablement la mémoire collective. Ci-dessous par exemple, Federico Borrell Garcial, soldat républicain tué par balle le 5 septembre 1936. Capa est décédé lors de la guerre d'Indochine en marchant sur une mine alors qu'il prenait une photo des soldats français.
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J'apprends à l'instant que Capa et Hemingway étaient amis et que ce dernier, en plus de son expérience personnelle, se serait inspiré des photos du premier lors de l'écriture de ce chef d'œuvre qu'est Pour qui sonne le glas. Ici, un diaporama des photos de Capa sur le site de Magnum.
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mercredi 11 février 2009

A l'improviste

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Plusieurs émissions très intéressantes de Radio France sont écoutables en ligne. "A l'improviste" (sur France Musique) est une de mes favorites car elle rend compte chaque semaine de la richesse des musiques improvisées. Chaque émission est l'occasion d'explorer l'oeuvre d'un musicien ou d'un groupe via l'écoute de morceaux, la plupart du temps enregistrés live, et/ou des interviews. Souvent aussi, des concerts, captés en festival ou en salle dans toute la France ainsi que dans les studios de Radio France, sont retransmis dans leur intégralité. Cette semaine, on peut ainsi écouter le concert du Barry Guy New Orchestra enregistré le 24 janvier dernier lors du Festival « SONS D’HIVER ». Par le passé, des émissions ont été consacrées à Barre Philips, à Malcolm Goldstein ou encore au Globe Unity Orchestra. En général, les quatre derniers programmes sont archivés et toujours écoutables en un clic. En espérant que ce type de service public, de plus en plus rare, perdure et essaime...
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L'Accord Final (1981) (photo ci-dessus, issue du site de l'artiste) est une oeuvre d'Arman.
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dimanche 8 février 2009

Pépites à venir

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Plusieurs sorties très alléchantes sont annoncées sur le label Honest Jon's :

Marvellous Boy - Calypso From West Africa

Moondog - More Moondog

The World Is Shaking - Cubanismo From The Congo, 1954-55

et surtout Open Strings - 1920s Middle Eastern Recordings - New Responses

qui confronte des joueurs d'instruments à cordes proche-orientaux des années 1920 à des musiciens contemporains tels que Sir Richard Bishop, Paul Metzger, Six Organs of Admittance ou encore Michael Flower !
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Gaspard de la nuit

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Ondine, mesure 61
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Parmi les œuvres pour piano de Maurice Ravel, une de mes préférées est le Gaspard de la nuit (1908), composé d'après trois poèmes du recueil éponyme d'Aloysius Bertrand (1807-1841). Malgré ses connaissances dans le milieu romantique parisien (Victor Hugo par exemple), cet écrivain que l'on considère comme l'inventeur du poème en prose français connut peu de succès durant sa courte vie. Ce n'est d'ailleurs qu'après sa mort que son ami le sculpteur David d'Angers a tout fait pour publier Gaspard de la nuit, son œuvre maîtresse. Admiré par Baudelaire, puis par les Symbolistes, l'ouvrage de Bertrand a enfin été inclus par André Breton dans son Manifeste en tant que préfigure du surréalisme.
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Sous-titré Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot, le livre est composé d'une suite de courts textes où sont convoqués divers thèmes chers au Romantisme : Moyen-Age, fantastique, sorcellerie... Une langue précieuse et subtile sert à l'évocation de "tableaux" baignant dans un climat onirique et doucement étrange. L'influence de la peinture, affirmée dans le sous-titre, se situe non seulement au niveau des thèmes abordés (les textes font souvent penser aux gravures fantastiques de Goya, à l'imagerie populaire médiévale ou à certaines peintures carnavalesques de maîtres flamands) que dans cette façon de brosser une scène à l'aide de quelques phrases et termes bien choisis. Signe de l'angoisse d'un écrivain tourmenté, la mort intervient régulièrement dans ses pages d'où se dégage une noirceur inquiétante. En voici un exemple :
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Un des dessins de l'auteur accompagnant son manuscrit autographe.

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LE GIBET.

Que vois-je remuer autour de ce gibet?
FAUST.

Ah! ce que j'entends, serait-ce la bise nocturne qui glapit, ou le pendu qui pousse un soupir sur la fourche patibulaire?

Serait-ce quelque grillon qui chante tapi dans la mousse et le lierre stérile dont par pitié se chausse le bois?

Serait-ce quelque mouche en chasse sonnant du cor autour de ces oreilles sourdes à la fanfare des hallalis?

Serait-ce quelque escarbot qui cueille en son vol inégal un cheveu sanglant à son crâne chauve?

Ou bien serait-ce quelque araignée qui brode une demi-aune de mousseline pour cravate à ce col étranglé?

C'est la cloche qui tinte aux murs d'une ville, sous l'horizon, et la carcasse d'un pendu que rougit le soleil couchant.
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D'après l'édition publiée par Gallimard en 1980 dans sa collection Poésie (pp. 241-242).
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Le gibet, avec Ondine et Scarbo, sont les trois textes que Maurice Ravel a choisi de "transcrire" en musique. Leur grande virtuosité ne cache absolument pas une absence de vision, tant l'ambiance crépusculaire est bien évoquée. Les divers effets pianistiques confèrent aux trois plages une tension et un caractère hypnotique qui font de leur écoute une expérience sans nulle autre pareille. Martha Argerich est considérée comme une des grandes interprètes de la partition. En voici un échantillon, avec quelques images un peu désuètes censées traduire le romantisme de l'œuvre...
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vendredi 6 février 2009

C'est dans la vallée

Lac Noir à Orbey, Pays Welche
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Il faut absolument que je parle d'un morceau magnifique. C'est dans la vallée est la première plage de l'album On n'est pas indiens c'est dommage issu de la collaboration de l'ex-Kat Onoma Rodolphe Burger et de l'écrivain Olivier Cadiot. Paru en 2000 sur le label ici d'ailleurs, l'album a été enregistré lors d'une performance des deux comparses dans le cadre du festival "Babel" à Strasbourg sur le thème de la langue "welche". Ce dialecte roman en voie d'extinction n'est plus parlé que par un petit millier de personnes dans quelques vallées alsaciennes, surtout dans la région de Ribeauvillé. La connotation négative du mot "welche" signifiant "non allemand" est due au fait qu'il désigne des populations enclavées dans un contexte germanique.
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L'objectif de la performance de Burger et Cadiot était notamment de confronter divers enregistrements de gens s'exprimant dans ce langage avec leur propre travail musical ou littéraire. Il en ressort un disque hautement original à la frontière du field recording, de la poésie expérimentale et du rock. Le résultat va bien au-delà d'un quelconque hommage patrimonial, par exemple avec l'émouvant et épique morceau C'est dans la vallée. Là, samples de paroles de Monsieur Humbert (habitant welche de la vallée de la Petite Lièpvre), envolées de guitares au son cristallin et rythmiques électro sont convoqués pour accompagner une reprise du traditionnel américain Moonshiner, interprété au début des années 1960 par Bob Dylan (une magnifique version figure sur la compilation des Bootlegs 1-3).
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C'est dans la vallée est également le nom d'un festival organisé chaque année par Rodolphe Burger à Ste Marie aux Mines dans les Vosges.
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jeudi 5 février 2009

Ethio Punk

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Ces photographies et cette vidéo du groupe The Ex (trouvées sur leur site) en compagnie du batteur Han Bennink lors de leur tournée éthiopienne en 2004 font rêver. Voir jouer un des meilleurs batteurs de l'histoire de l'impro-free jazz avec un des meilleurs groupes punk dans un pays initiateur de fantasmes musicaux tellement riches...
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Pour prolonger la rêverie, plusieurs disques, parus notamment sur le beau label Terp Records qui édite aussi bien de l'improvisation que des musiques africaines (par exemple le détonnant Moa Anbessa qui réunit le saxophoniste éthiopien Getatchew Mekuria, The Ex et divers invités très respectables).
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mercredi 4 février 2009

Sous le soleil de Satan

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Jusqu'il y a peu, il était souvent difficile de trouver en librairie les oeuvres de cet immense écrivain qu'est Georges Bernanos (1888-1948). Heureusement, les éditions Le Castor Astral ont entrepris récemment un travail de réédition bienvenu. Sont déjà parus : Les Grands Cimetières sous la lune (1938), Sous le soleil de Satan (1926) et Monsieur Ouine (1943).
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Dans cette oeuvre cohérente, interrogations sur la nature de la foi et de la sainteté, combats entre Bien et Mal et études psychologiques fouillées des personnages ne riment jamais avec mysticisme mièvre et suranné. Avec une puissance implacable, l'auteur assène sa vision de la destinée humaine, partagée entre Liberté, Néant et sujétion au poids du Péché originel. Nul besoin de préciser que ces textes magnifiques sont loin de s'adresser uniquement aux croyants.
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"Ô vous, qui ne connûtes jamais du monde que des couleurs et des sons sans substance, cœurs sensibles, bouches lyriques où l’âpre vérité fondrait comme une praline – petits cœurs, petites bouches – ceci n’est point pour vous. Vos diableries sont à la mesure de vos nerfs fragiles, de vos précieuses cervelles, et le Satan de votre étrange rituaire n’est que votre propre image déformée, car le dévot de l’univers charnel est à soi-même Satan. Le monstre vous regarde en riant, mais il n’a pas mis sur vous sa serre. Il n’est pas dans vos livres radoteurs, et non plus dans vos blasphèmes ni vos ridicules malédictions. Il n’est pas dans vos regards avides, dans vos mains perfides, dans vos oreilles pleines de vent. C’est en vain que vous le cherchez dans la chair plus secrète que votre misérable désir traverse sans s’assouvir, et la bouche que vous mordez ne rend qu’un sang fade et pâli… Mais il est cependant… Il est dans l’oraison du Solitaire, dans son jeûne et sa pénitence, au creux de la plus profonde extase, et dans le silence du cœur… Il empoisonne l’eau lustrale, il brûle dans la cire consacrée, respire dans l’haleine des vierges, déchire avec la haire et la discipline, corrompt toute voie. On l’a vu mentir sur les lèvres entrouvertes pour dispenser la parole de vérité, poursuivre le juste, au milieu du tonnerre et des éclairs du ravissement béatifique, jusque dans les bras même de Dieu… Pourquoi disputerait-il tant d’hommes à la terre sur laquelle ils rampent comme des bêtes, en attendant qu’elle les recouvre demain ? Ce troupeau obscur va tout seul à sa destinée… Sa haine s’est réservé les saints."
Extrait de La tentation du désespoir, seconde partie de Sous le soleil de Satan.
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lundi 2 février 2009

Liège, Beyrouth et Ystad

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Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y avait peu de monde pour assister à la performance de Christine Sehnaoui (saxophone), Olivier Toulemonde (objets acoustiques) et Mathias Forge (trombone) ce samedi 31 janvier à l'An vert à Liège. Absence de publicité, désintérêt et/ou absence d'un public liégeois amateur de musiques improvisées... Il est difficile de pointer les causes de ce type de semi-échec qui ne doit malheureusement pas encourager les musiciens et organisateurs de concerts à mouiller leur chemise. Dommage...
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Je parle de semi-échec, car, par bonheur, ces artistes ont la foi et ont malgré tout fait profiter le public présent de leur jeu. Ici, l'approche réductionniste ne signifie jamais apprauvissement du discours musical. Plus que jamais basée sur des principes de tension, l'improvisation alterne micro-évènements, silences et emballements soudains. Les différents objets acoustiques (archet, fouet de cuisine et autres frottés sur divers supports), le trombone et le saxophone sont traités de sorte qu'à l'écoute, il est parfois difficile de les distinguer. Il en résulte une musique-création fascinante.
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Je profite de l'occasion pour acquérir un album qui me fait de l'oeil depuis quelques temps : Beirut-Ystad (Olof Bright, luxueux label dirigé notamment par Mats Gustaffson). Les deux disques qui le composent ont été enregistrés début septembre 2006 lors d'un festival à Ystad en Suède. L'objectif de ce dernier était de réunir la jeune scène libanaise de l'improvisation et des musiciens allemands, danois, hollandais et suédois. Ainsi, aux côtés de certains des musiciens libanais dont il a déjà été question ici, entre autres Christine Sehnaoui (saxophone), Mazen Kerbaj (trompette), Sharif Sehnaoui (guitare), Jassem Hindi (électroniques), Bechir Saadé (clarinette), on retrouve le vétéran Sven-Ake Johansson (percussion), Mats Gustaffson (saxophone), Annette Krebs (guiatre) ou encore le génial inventeur d'instruments Michel Waisvisz (cracklebox).
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Les morceaux présentent ces musiciens selon différentes combinaisons, montrant l'universalité du langage de l'improvisation musicale et une grande diversité de propos. On passe ainsi de climats orageux à la limite du noise à des interventions pointillistes où souffles hoquetés rivalisent avec frottements et autres grincements. A l'écoute, on ressent la reconnaissance et la compréhension immédiates qui ont présidé à ces rencontres. Le festival a eu lieu juste au lendemain du conflit israélo-libanais de 2006, ce qui confére à l'évènement une dimension supplémentaire. Comme l'écrit Bechir Saadé à l'organisateur du festival Thomas Millroth dans un e-mail reproduit dans le carnet du disque : "For us, music is more than ever a message of peace and closeness to our humanity. That's why this coming music will be strong and powerful, will emanate like thunder."
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Le superbe packaging de l'album a été conçu, comme les sorties du label Al-Maslakh, par Mazen Kerbaj.
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