mardi 9 décembre 2008

Le musée secret de l'humanité


Quelques superbes compilations sorties ces derniers temps témoignent d'un intérêt grandissant pour l'âge d'or de l'enregistrement des musiques traditionnelles durant la première moitié du 20e siècle. On peut citer par exemple les Victrola Favorites de Rob Millis et Jeffery Taylor du groupe Climax Golden Twins, le Black Mirror: Reflections in Global Musics compilé par Ian Nagoski (toutes deux sorties sur le très estimable label Dust-to-Digital) ou encore les compilations Honest Jon's réalisées à partir des archives EMI (Living is Hard - West African Music In Britain, 1927-1929, Give me Love - Songs Of The Brokenhearted, Baghdad, 1925-1929 et Sprigs of Time - 78s From The EMI Archive).

Ces compilations juxtaposent la plupart du temps des morceaux de musique issus de sphères culturelles bien différentes. On passe ainsi d'un rebetiko à une tarentelle en passant par un chant de muezzin. Par cet art du collage, ces disques se rapprochent plus d'espèces de coffres à trésors hétéroclites que d'études sur telle ou telle culture musicale. En cela, on est loin des productions de labels comme Ocora ou Colophon dont chaque sortie s'intéresse de près à une production bien précise. Ici, plus que l'aspect documentaire, ce sont la variété, la surprise, voire le tube qui sont recherchés. Il faut par exemple aller écouter le jodle fou de Goebel Reeves dans The Cowboy's Dizzy Sweetheart pour s'en rendre compte.

Ces compilations me font penser à la profession de foi de Daniel Padden, membre du groupe Volcano the Bear et grand collectionneur-amateur de musiques traditionnelles, dans le Wire no 289 d'avril 2008. Dans ce dernier, Padden dit son enthousiasme pour ces musiques qui, souvent, restent comme des témoins de mondes disparus. Il avoue pourtant ne pas toujours s'intéresser aux notes des livrets qui accompagnent les disques. En effet, ce qui le fait vibrer dans ces derniers, ce sont la matière sonore et le geste musical proprement dits, l'émotion et la poésie qui en découlent. L'expérience qu'il en retire nourrit sans aucun doute sa propre musique, comme le laisse supposer l'écoute de ses propres disques.


Une autre série de compilations intitulée The Secret Museum of Mankind est parue durant la seconde moitié des années 1990 sur la label Yazoo et peut être rangée dans la même catégorie. Déjà le titre suggère cette idée de trésor, d'obscurité que seuls quelques initiés pourrraient découvrir. Cinq disques présentant des enregistrements issus du monde entier sont sortis, tandis que trois autres volumes sont consacrés à une sphère géographique plus précise, mais toujours large (Asie centrale, Afrique du Nord et Afrique de l'Est). Tous les morceaux ont été enregistrés entre 1925 et 1948, c'est-à-dire durant la période de production des disques 78 tours. On y trouve de nombreuses perles, pour faire la fête ou songer à la disparition progressive de l'humanité.

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